L’heure est à l’ouverture, tant en politique qu’en entreprise. Nous sommes tous curieux de connaître le salaire de nos représentants au gouvernement, de nos propriétaires d’entreprises, de nos voisins qui fournissent des services sociaux et de nos collègues de travail qui semblent vivre grassement avec le même salaire. Un meilleur contrôle, une plus grande exposition des inégalités et la possibilité de faire pression pour une plus grande équité peuvent tous résulter de la divulgation des salaires. Cependant, notre salaire est aussi un sujet sensible, presque privé, dans un pays comme la France où parler d’argent est tabou.
Nous ne sommes pas tous égaux face à la négociation salariale
Les disparités salariales, notamment au niveau des cadres et des professionnels hautement qualifiés, sont souvent liées à des différences dans la capacité à négocier son contrat, c’est-à-dire à vendre ses compétences et à se rendre indispensable. Sur la base de ce constat, AssurTech Alan a décidé de mettre à la disposition de ses employés une structure salariale qui permet à chacun de voir comment se situe sa rémunération par rapport à celle de ses collègues. Cette entreprise estime qu’une transparence totale des salaires permettra de fonder la rémunération sur des critères objectifs. Mais peut-on vraiment être totalement objectif lorsqu’on évalue la valeur d’un employé ?
Salaires comparables pour des professions similaires
Le fait d’être trop ouvert sur les salaires ou de traiter les employés de la même manière selon les échelles salariales ne tient pas compte du fait que la plupart des personnes actives effectuent des tâches très différentes. Les inégalités salariales au sein d’une entreprise touchent souvent les personnes occupant des postes plus qualifiés ou des fonctions de direction. Même si deux caissières du même supermarché ont la même expérience, il existe généralement un léger écart salarial entre elles. Leurs emplois étant totalement interchangeables, il est simple de les comparer. Toutefois, lorsque l’on compare les responsabilités, les comparaisons perdent de leur sens. Il est difficile d’établir une comparaison équitable entre les efforts de deux chefs de projet qui ne travaillent pas sur la même mission ou de deux chefs d’équipe qui ne gèrent pas la même équipe. Le salaire peut être affecté par des facteurs tels que la variété des responsabilités assumées, le degré de difficulté rencontré et le niveau de stress subi.
Le péril d’une nouvelle norme
Nous sommes tous uniques à notre manière. Les négociations sur les salaires et les conditions de travail peuvent être influencées par un certain nombre de facteurs. Certains sont plus concrets que d’autres, notamment notre niveau d’éducation, nos années d’expérience professionnelle et notre âge. Mais d’autres critères, beaucoup plus subjectifs, confèrent à notre poste une valeur aux yeux de notre employeur. Il s’agit de choses comme nos relations, notre expertise, notre imagination et nos aptitudes à former une équipe. La même question se pose pour les clients. À titre d’exemple, Mark Zuckerberg a abandonné ses études avant d’obtenir son diplôme et a très peu d’expérience professionnelle. Néanmoins, la valeur de ses efforts ne peut être surestimée. Il a fait preuve de qualités telles que la vision et la détermination qui ne peuvent pas être mises dans une fourchette de salaire : de bonnes compétences en gestion.
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Un casse-tête culturel
La transparence salariale est également une question culturelle. Contrairement à la culture plus ouverte du monde anglo-saxon, où il est courant de discuter de son salaire ou de ses revenus, les Français ont tendance à être plus discrets sur leurs comptes bancaires. L’argent est un sujet gênant, voire tabou. Si beaucoup de nos concitoyens sont réticents à divulguer leurs propres informations financières, ils exigent de plus en plus le même niveau d’ouverture de la part de ceux qui gagnent plus qu’eux.
L’inégalité subsistera même si tout est ouvert et honnête
Les disparités salariales, comme celles qui existent entre les hommes et les femmes, ne sont pas vraiment liées au manque de transparence des barèmes de rémunération. Si les femmes gagnent moins que les hommes en moyenne, ce n’est pas seulement parce que leur salaire est discriminé en raison de leur sexe ; les femmes ont également moins accès à certains types de postes que les hommes, ce qui est un facteur important. Il en va de même pour les enfants d’immigrants, les diplômés de l’enseignement supérieur et les retraités. La discrimination ne se fonde pas sur l’historique des salaires, mais intervient en amont, dans le processus d’embauche.
L’ouverture est-elle vraiment nécessaire ?
Le monde du travail est très inégalitaire. La transparence est-elle vraiment la solution pour améliorer la vie de chacun ? Dans la plupart des cas, les salaires des grands donateurs sont rendus publics, mais avec plus ou moins de précision. Exposer les disparités salariales au sein d’une entreprise n’a aucun effet modérateur sur ces disparités. Les attentes salariales peuvent être revues à la hausse ou à la baisse en fonction des résultats d’une comparaison. Toutefois, il est possible de faire preuve de pédagogie en matière de salaires sans rendre les taux de rémunération publiquement accessibles dans la même mesure. C’est ce que préconise, par exemple, l’outil pédagogique appelé « Bilan social individualisé », développé en 2000, qui permet à un travailleur de mieux connaître sa rémunération directe et indirecte, y compris les avantages dont il bénéficie (congés payés, garde d’enfants, formation continue).