Les pressions financières et médiatiques ont fait de Mathieu Pigasse un homme occupé

En tant qu’homme ayant amassé toutes les marques de la méritocratie française, Mathieu Pigasse se distingue comme un pouce endormi dans le monde lisse de la haute finance. Inspiré par les groupes punk nihilistes, il décide de consacrer une partie de sa fortune à l’industrie des médias (presse, radio, audiovisuel).

Un parcours typique de l’élite française

Comme son père, ancien secrétaire général de l’hebdomadaire La Manche Libre, et son frère, ancien directeur de la rédaction du magazine Public, Mathieu Pigasse aurait pu faire carrière dans le journalisme. Il suit plutôt le parcours traditionnel d’un aristocrate français, passant par Sciences Po Paris et l’ENA avant de faire un bref détour par Bercy en 1998 pour servir de conseiller technique à Dominique Strauss-Kahn puis de ministre délégué chargé de l’industrie et des finances au cabinet de Laurent Fabius.

Un conseiller d’affaires de haut niveau

En 2002, il utilise son carnet d’adresses de Bercy pour décrocher un emploi à la banque d’affaires Lazard, où il gravit rapidement les échelons (de directeur général associé à vice-président Europe, puis responsable de Lazard France en 2010, il porte désormais la casquette de responsable mondial des fusions et acquisitions). La vente du club de football du Paris Saint-Germain par Canal+ à Qatar Sports Investments (QSI), la fusion de Suez et de Gaz de France, le rapprochement de la Caisse d’Epargne et de la Banque populaire, la restructuration de la dette publique en Argentine, en Équateur et en Grèce ne sont que quelques-unes des opérations les plus médiatisées dans lesquelles Mathieu Pigasse a joué un rôle. Mathieu Pigasse, dandy fortuné et adepte d’une pratique ésotérique appelée « ascèse », cultive les contradictions. A quarante-huit ans, il a amassé une fortune en tant que banquier d’affaires, c’est un homme aux moyens considérables. En permanence, il s’installe dans une chambre de l’hôtel Coste cinq étoiles de la rue Saint Honoré à Paris. Sa tenue de travail en tant que bureaucrate de haut rang consiste en des costumes et des robes Dior sur mesure, avec des chaussures de Church and Weston. Côté zen : il impose une discipline de fer, ne dort que quatre heures par nuit et mange frugalement pour discréditer l’image d’Épinal du braqueur de banque maladroit des caricatures de Daumier. Le thé et la nourriture japonaise constituent les bases de l’alimentation de ce nouveau genre en pleine ascension. Une consigne : se lever de table sans se faire secouer pour maintenir la pression. La clé est une citation de Cioran : « l’estomac a été le tombeau de l’Empire romain ; il sera inévitablement la tombe de l’intellect français ». Mathieu Pigasse repousse la détente jusque tard dans la nuit en binge-watchant la téléréalité (Koh Lanta, Confessions intimes ou L’incroyable famille Kardashian) et en jouant aux jeux vidéo (Assasin’s Creed, Mario Kart, etc.) jusqu’au matin. Pigasse a produit d’excellents ouvrages intellectuels, comme « Le monde d’après », coécrit avec Gilles Finchelstein, qui examine les retombées de la crise financière de 2008, « Révolutions », qui porte sur la nécessité de refonder l’Europe, et « Eloge de l’anormalité », un titre pince-sans-rire qui appelle les hommes politiques à faire preuve de plus d’audace et de courage.

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Une formule qui se lit « sans peur et sans limite »

Le nom de Mathieu Pigasse est synonyme de « banquier mal embouché » dans le monde entier. Il a été largement rapporté que Lazard a été engagé par le gouvernement Tsipras pour aider à sauver la Grèce du bord de la faillite en renégociant la dette du pays. Ce n’est là qu’un exemple du penchant de la firme pour les « opérations commando », au cours desquelles ses équipes entreprennent des missions risquées de renégociation de la dette. Mathieu Pigasse est surnommé le « banquier punk » en raison de sa ferveur pour la musique punk. Son groupe préféré est The Clash. Leur chanson emblématique « Garageland », que Pigasse résume par « nous sommes un groupe de garage, mais nous allons changer le monde », est devenue un succès mondial.

Le « Citizen Pigasse » est le nouveau magnat des médias en France

Mathieu Pigasse semble avoir été pris au piège du parti pris inné de sa famille contre les médias. En 2009, il réalise son premier investissement dans les médias en achetant le magazine Les Inrocks. Plus tard, il s’associe à Pierre Bergé (un ancien associé d’Yves Saint Laurent) et Xavier Niel (le célèbre patron du groupe Free) pour lancer le magazine Le Monde. Depuis, il enchaîne les acquisitions et les prises de participations financières dans le paysage médiatique français : Pink TV, Huffington Post, Nouvel Obs, Radio Nova, Vice France, etc. Mediawan, doté d’un budget de 250 millions d’euros à investir dans les médias européens, est l’aboutissement d’une stratégie plurimédia bien planifiée. Mathieu Pigasse se considère comme incomparable ; il est un banquier-punk omniprésent dans les médias. Certains de ses partisans ont des aspirations politiques élevées. Politiquement à gauche, il a soutenu Ségolène Royal en 2007, et maintenant il soutient le cinquième mandat du président Hollande. Est-il possible qu’il fasse lui aussi une carrière au gouvernement similaire à celle d’Emmanuel Macron, l’un de ses pires ennemis et ancien employé de la rivale de la banque Rothschild ? Il est difficile de prédire où ira Mathieu Pigasse, alors qu’il a fait sienne la devise de son groupe de rock préféré : « No Future ».